lr113 - Recherches numismatiques sur l'empereur Pertinax LEMPEREUR Olivier
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Author : LEMPEREUR Olivier
Publisher : Ausonius éditions
Language : français
Description : Bordeaux 2020, broché (21 x 29,7 cm), 526 pages
Weight : 520 g.
Article
C’est avec un vif plaisir que je rends compte de cet ouvrage, fruit d’une thèse soutenue il y a un peu plus de dix ans maintenant. Je connais son auteur depuis bien plus longtemps et j’ai pu apprécier, outre ses qualités intellectuelles, son amabilité naturelle. C’est donc dans la très belle collection Numismatica Antica, dont nous avons déjà eu plusieurs fois l’occasion de rendre compte, que nous vous présentons ce dixième volume consacré au monnayage de Pertinax (Publius Helvius Pertinax, 1/08/126 - 28/03193), empereur éphémère pendant 87 jours du 1er janvier au 28 mars 193, mais qui a laissé une trace numismatique, tant dans le monnayage impérial que provincial. Les éditions Ausonius de Bordeaux, qui ne sont plus à présenter, nous offrent un très bel ouvrage de 537 pages, largement illustré dans le corps du texte, ce qui en rend la lecture fluide et agréable malgré l’aridité du sujet, agrémenté de 96 planches, dans une collection devenue aujourd’hui incontournable. Son catalogue est fort d’un inventaire de 254 aurei, 1444 deniers, 288 sesterces, 79 dupondii et 96 asses frappés à l’aide de 296 coins de droit pour l’atelier de Rome, sans oublier les monnayages provinciaux des ateliers d’Alexandrie d’Égypte, de Tomis en Mésie Inférieure et de Prusa ad Olympum (Bithynie).
L’ouvrage est dédié à la mémoire de Bernard Rémy (1942-2020) récemment disparu, directeur de thèse de l’auteur, en un hommage qui marque le début des deux pages de remerciements (p. 5-6). La préface est due à la plume de Michel Amandry, directeur honoraire du Cabinet des médailles (p. 7). L’introduction (p. 9-15) permet d’appréhender la méthodologie à laquelle l’auteur a eu recours et rappelle aussi le goût pour l’empereur Ligure depuis la Renaissance jusqu’à la fin du XXe siècle. Si la thèse d’Olivier Lempereur fut soutenue avec brio en 2010, son dépouillement, en particulier des catalogues de vente et des sites internet, s’est poursuivi jusqu’en 2016 avec quelques ajouts pour les monnaies provinciales jusqu’en 2018. L’auteur ajoute qu’il publiera dans des articles ultérieurs des mises à jour du catalogue. La liste des musées et des institutions consultés est impressionnante. L’ouvrage se divise en cinq chapitres et sept annexes.
Le premier chapitre est consacré au contexte historique (p, 20-36) avec un survol de la vie de Pertinax, et fait le point sur les connaissances que nous pouvons avoir de lui. Originaire de Ligurie, fils d’affranchi, il eut une carrière riche qui le mena de l’enseignement (grammaticus) à l’armée où il eut de brillants états de service qui le firent rejoindre d’abord la classe équestre avant d’entrer au sénat sous le règne de Marc Aurèle. C’est dans la deuxième partie du règne de l’empereur philosophe que Pertinax obtint le consulat suffect après ses succès sur les fronts germaniques et danubiens avant de passer en Syrie à la fin du règne de ce dernier. En disgrâce au début du règne du fils de Marc Aurèle, il reprit du service en Bretagne après l’éviction de Perennis en 185. Revenu à Rome, il fut finalement nommé préfet de la Ville à la fin du règne de Commode, position qu’il occupait lors de l’assassinat de ce dernier dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 193. Il avait revêtu son deuxième consulat en 192 avec Commode. Proclamé Auguste le 1er janvier, par les prétoriens et confirmé par le sénat, le fils d’un affranchi devenait empereur pour un règne de quatre-vingt-sept jours. L’auteur aborde non seulement la prise de pouvoir, mais aussi ses soutiens, les oppositions qu’il rencontra rapidement, son action politique et économique et son rôle en relation avec les provinces avant d’aborder la phase finale de son règne avec son assassinat. Il marque le début d’une série de successions et d’usurpations d’empereurs et d’une période d’instabilité politique, période marquée par la guerre civile qui ne devait prendre fin que quatre ans plus tard avec l’éviction de Clodius Albinus, dernier compétiteur malheureux de Septime Sévère. Ce dernier, en arrivant à Rome, avait prit soin, une fois confirmé par le sénat, d’inclure dans sa titulature le nom de l’empereur défunt et de faire divisniser son prédécesseur, Pertinax.
Le deuxième chapitre, le plus important de l’ouvrage, est consacré à l’atelier de Rome (p. 37-247). Il débute par le très imposant catalogue (p. 37-154) qui retient deux émissions pour l’atelier. Pendant la première, très courte (p. 37-47), ne sont frappés que des deniers (p. 39-45, n° 1 à 52) et des setsterces (p. 45-47, n° 48 à 51). La seconde émission, de loin la plus importante (p. 47-154), comprend les aurei (p, 47 à 64, n° 52 à 176), les deniers (p. 64 à 129, n° 177 à 727), les sesterces (p. 130-145, n° 728-804), les dupondii (p. 145-149, n° 805-818,) les as (p. 149-154, n° 819-837) et un medaillon (p. 154, n° 838). Ce catalogue est un gigantesque travail de recension tant au niveau de la masse documentaire retenue que du travail de mise en perspective de la production monétaire s’articulant autour de 838 combinaisons pour l’ensemble du monnayage de l’atelier de Rome avec le recours à 296 coins de droit et 444 coins de revers. Cette partie qui peut sembler la plus austère de l’ouvrage, rend plus utile l’analyse que l’auteur est amené à traiter ensuite (p. 155-247) en débutant par l’atelier de Rome sous Pertinax (p. 155-161) elle est suivie parune étude des repésentations et l’idéologie : l’étude des droits et des revers (p. 163-194) avec une intéressante comparaison entre les portraits des monnaies et la statuaire (p. 163-173) l’auteur se penche ensuite sur l’étude des revers (p. 175-194) avec une attention particulière pour de nouveaux types comme Mens (MENTI LAVDANDAE) ou Janus (IANO CONSERVAT) qui font une apparition unique dans le cadre de la première émission, consacrés à deux représentations de la Rome archaïque (p. 175-177). Nous trouvons aussi une rare représentation de la déesse Cybèle associée au sesterce. Le revers au caducée ailé a déjà été utilisé sous les Flaviens et les Antonins, mais il est lié à la légende SAECVLUM FRUGIFERO. Le revers de la seconde émission réserve aussi des surprises avec l’apparition d’Ops, encore une divinité de la Rome la plus antique associée à l’empereur sacrifiant ou à un nouveau type de Providentia priant en direction d’une étoile. Les autres revers sont plus traditionnels, dédiés à la représentation de Laetitia (LAETITIA TEMPORVM) ou de l’Équité et de Rome, complétée par la Liberalitas. Ce revers couplé au donativum coûta peut-être la vie de l’Empereur pour son règlement différé auprès des prétoriens, avec pour conséquence que l’Empire fut vendu à l’encan ensuite avant d’échoir à Dide Julien. Une partie très importante est réservée au fonctionnement de l’atelier avec la stemma des liaisons de coins (p. 195-211). Les tableaux sont parfois complexes mais montrent bien la rareté absolue de la première émission et confirment l’abondance de la seconde avec de multiples liaisons tant pour l’or (p. 198, fig., 62) que pour les deniers (p. 199-203, fig. 63-67) alors qu’elles sont moins nombreuses pour les émissions de bronze (p. 204, fig. 68), les dupondii et les asses (p. 205, fig. 69). Nous trouvons ensuite des tableaux pour le nombre estimé de coins de droit et de revers pour les deniers (p . 207-208). Nous en avons un autre pour la répartition du travail entre les six officines de l’atelier de Rome (p. 209). Quant à moi, je pencherais plus pour une répartition des officines par type de revers plutôt que par métal. Un dernier point est abordé concernant les axes des coins des monnaies. Il porte sur un échantillon de 2 128 monnaies avec 848 pièces autour de 6 heures et 807 autour de 12 heures et 467 pièces dont l’axe des coins est inconu, ce qui nous laisse 4 monnaies avec un axe à 2 heures et 2 avec un axe des coins à 10 heures. La dernière partie du chapitre consacré à l’atelier de Rome porte sur l’étude métrologique et le volume des émissions. Pour chacune des deux émissions du règne de Pertinax, nous avons une étude métrologique précise, plus parcellaire pour la première émission très courte, très documentée, pour la seconde émission, avec à chaque fois les différents intervenants statistiques mis à notre disposition (p. 213-233). De la même manière, l’auteur appréhende dans un second temps une vaste enquête sur le volume des émissions à partir des formules de Carter et d’Esty pour chacune des deux émissions et des dénominations monétaires (p. 234-244). Il dresse un tableau approximatif du nombre total de monnaies frappées et l’estimation totale de la masse monnayée (p. 244) et termine enfin par un tableau des taux de survie, l’estimation des monnaies produites et le nombre des monnaies conservées (p. 245). Le résultat final de ces calculs (p. 246-247) semble confirmer les assertions des sources antiques, à savoir que Pertinax, malgré ses promesses faites aux prétoriens (donativum) et au peuple (congiaire), ne put ou n’eut pas le temps nécessaire pour honorer ses promesses faites au moment de son élection, ce qui précipita peut-être sa chute et sa mort.
Le troisième chapitre est consacré à l’atelier d’Alexandrie (p. 249-310). L’atelier égyptien depuis la conquête d’Auguste en 30 avant J.-C. frappait presque exclusivement un monnayage de langue grecque, hormis quelques périodes de crise, par exemple sous Vespasien avec l’apparition d’un monnayage calqué sur le système monétaire romain. C’est le cas pour le très court règne de Pertinax. Le monnayage de l’atelier d’Alexandrie présente une autre spécificité avec la présence sur le monnayage de l’atelier, de Titiane, épouse de l’Empereur et de Pertinax fils, qualifié de César sur le monnayage alors qu’il ne semble pas avoir été elévé au césarat. Le catalogue de l’atelier, outre des tétradrachmes, comprend des dioboles, et peut-être des hémidrachmes (p. 251-258). Nous avons au total 23 combinaisons avec 13 coins de droit et 21 coins de revers, pour un total de 35 exemplaires, toutes dénominations confondues. Mais l’aspect le plus novateur pour l’atelier est l’émission de deniers avec 99 combinaisons, 30 coins de droit et 87 coins de revers pour 251 exemplaires (p. 258-272). Ensuite l’auteur, de la même manière que pour l’atelier de Rome, fait une présentation de l’atelier (p. 273) avec un topic particulier sur les deniers (p. 274-276) avant de se livrer à une étude des types et des légendes (p. 276-298). Il débute par les droits des monnaies à légende grecque (p. 276-277) puis se penche sur une étude iconographique des bustes des monnaies pour Pertinax, Titiane et Pertinax Junior avant de confronter les bustes monétaires avec deux bustes conservés, l’un à Rome (Museo Capitolino) l’autre au musée Saint-Raymond de Toulouse, provenant de Chiragan (p. 277-284). Il s’attache ensuite à étudier les revers à légende grecque avec les représentations traditionnelles et quelques revers moins courants comme le navire ou le serpent (Agothodémon) sans oublier les revers familiaux associant femme et enfant (p. 284-296). Il termine cet excursus sur les deux types de revers de deniers de l’atelier d’Alexandrie : Providentia et Ops (p. 296-298). Comme précédemment, il s’attaque ensuite à l’étude métrologique des espèces en séparant les deux entités grecques et latines (p. 298-300). Un récapitulatif permet de mettre l’accent sur l’émission des deniers (p, 301-303) et les raisons de leur émission. Cette troisième partie se clôt (p.304-310) sur le volume des émissions, (p. 304)-306), le fonctionnement interne de l’atelier avec les tableaux de liaisons de coins pour les monnaies à légende grecque (p. 307, fig. 111) et les deniers (p. 308, fig. 112) et enfin les axes des coins (p. 309-310).
Les deux derniers chapitres (IV et V) de l’ouvrage sont beaucoup plus courts et concernent les deux autres ateliers provinciaux ayant monnayé pour Pertinax, à savoir Tomis (p. 311-336) et Prusa ad Olympum (p. 337-359). Le catalogue pour l’atelier de Mésie-Inférieure (p. 313-315) comprend 9 entrées pour Pertinax avec un unique coin de droit et neuf coins de revers pour trois types de revers et un total de 45 exemplaires. L’étude sur l’atelier de Tomis est comprise entre les pages 317 et 336. Pour l’atelier de Prusa ad Olympum, le catalogue (p. 339-342) est constitué de 18 combinaisons avec 4 coins de droit et 18 coins de revers pour un total de 21 exemplaires. L’étude sur l’atelier bithynien se trouve aux pages 343-359 et reprend la même présentation que pour le chapitre précédent. Une conclusion générale (p. 361-364) fait la synthèse des cinq chapitres.
Cette conclusion est suivie par sept annexes (p. 367-398). La première est consacrée au quinaire d’or au type LAETITIA TEMPORVM qui na pas été retenu dans le corpus de l’auteur qui semble douter de l’authenticité de cet unique exemplaire, vendu dans les années 80, et provenant de la collection Biaggi (p. 367-368). L’annexe 2 a pour objet l denier au type LIBERTAS CIVIBVS, pour l’auteur, n’existe pas (regravure de coin) et n’a pas sa place dans le corpus. La troisième annexe contient les pièces (aurei et deniers) présentes dans le Roman Imperial Coinage (RIC. IV. 1) et qui ne sont pas retenues comme valides par l’auteur (p. 371). L’annexe 4, dans le même ordre d’idée, dresse la liste des sesterces recensés dans le même ouvrage (RIC. IV. 1) et non retenus dans l’étude d (p. 373-376). Les annexes 5 (p. 377-379) et 6 (p. 381-383) procèdent de la même manière pour les dupondii et les asses. Enfin la septième et dernière annexe est le catalogue des monnaies de consécration frappées par Septime Sévère au nom du Divus Pertinax (p. 385-398) qui, catalogue, composé d’un aureus, des deniers, des sesterces et de médaillons (p. 385-390), comprend 25 combinaisons avec 10 coins de droit et 17 coins de revers dont une paire de coin unique pour l’aureus, 6 coins de droit et 10 coins de revers pour les deniers pour 71 exemplaires, 2 coins de droit et 5 coins de revers pour deux types pour 15 exemplaires de sesterces, un as unique et, pour finir, une unique combinaison avec une paire de coins pour les médaillons avec 3 exemplaires connus. Pour la dernière fois, l’auteur, dans les mêmes conditions que précédemment, se livre à une étude sur ce monnayage de consécration (p. 391-398) qui semble avoir été plus une opération de communication qu’une importante émission de prestige ou de donativum visant à restituer la mémoire de l’Empereur assassiné dont Septime Sévère revendiquait l’héritage.
Suivent les planches (p. 399-495) numérotées de 1 à 96 qui reprennent l’ordre du catalogue avec une abondance de matériel photographié, souvent de très bonne qualité qui permet un travail de vérification des coins. La première émission de Rome occupe les planches 1 à 4, la seconde émission de l’atelier de l’Urbs occupe les planches 5 à 74 avec pour les aurei les planches 5 à 14, 15 à 51 pour les deniers, 52 à 66 pour les sesterces, 67 à 69 pour les dupondii, 70 à 73 pour les asses et 74 pour l’unique médaillon. Le monnayage à légende grecque d’Alexandrie occupe les planches 75 à 77, les deniers d’Alexandrie trouvant leur place entre les planches 78 à 84. Le monnayage de Tomis se trouve sur les planches 85 à 87 et celles des monnaies de Prusa ad Olympum aux planches 88-89. Sur les planches 90 et 91, nous avons les monnaies concernées par les six premières annexes tandis que les planches 92 à 96 illustrent le monnayage de consécration du divin Pertinax. Nous précisons que le nombre de planches est très important, avec un total de 70 deniers et 8 sesterces photographiés pour la première émission, 254 aurei, 990 deniers, 158 sesterces, 40 dupondii, 60 asses et 1 médaillon pour la seconde émission de Rome, 36 monnaies à légende grecque et 193 deniers pour l’atelier d’Alexandrie, 45 monnaies pour l’atelier de Tomis et 23 pour celui de Prusa ad Olympumavec 19 pièces pour six annexes. Enfin, 1 aureus, 58 deniers, 15 sesterces, 1 as et 3 médaillons pour les monnaies de Pertinax divinisé sont illustrés, soit un total de 1 956 monnaies !
La fin de l’ouvrage contient la liste des figures (p. 497-499 au nombre de 137) suivie de la liste des planches (p. 500), d’une bibliographie (p. 501-522), d’un index (p. 523-530), de la liste des crédits photographiques des collections publiques et des sites professionnels de vente (p. 531-533) et enfin d’une table des matières détaillée et très utile (p. 535-537) pour un ouvrage de cette taille.
Vous l’aurez compris, j’ai apprécié ces Recherches numismatiques sur l’empereur Pertinax. Je ne puis que vous conseiller l’acquisition de cet ouvrage, d’une très grande qualité intellectuelle associée à une qualité éditoriale et à une impression très professionnelle qui se trouve rarement à ce prix. Vous savez donc ce qui vous reste à faire.
Laurent Schmitt - Bulletin Numismatique n°206 - Mars 2021.
L’ouvrage est dédié à la mémoire de Bernard Rémy (1942-2020) récemment disparu, directeur de thèse de l’auteur, en un hommage qui marque le début des deux pages de remerciements (p. 5-6). La préface est due à la plume de Michel Amandry, directeur honoraire du Cabinet des médailles (p. 7). L’introduction (p. 9-15) permet d’appréhender la méthodologie à laquelle l’auteur a eu recours et rappelle aussi le goût pour l’empereur Ligure depuis la Renaissance jusqu’à la fin du XXe siècle. Si la thèse d’Olivier Lempereur fut soutenue avec brio en 2010, son dépouillement, en particulier des catalogues de vente et des sites internet, s’est poursuivi jusqu’en 2016 avec quelques ajouts pour les monnaies provinciales jusqu’en 2018. L’auteur ajoute qu’il publiera dans des articles ultérieurs des mises à jour du catalogue. La liste des musées et des institutions consultés est impressionnante. L’ouvrage se divise en cinq chapitres et sept annexes.
Le premier chapitre est consacré au contexte historique (p, 20-36) avec un survol de la vie de Pertinax, et fait le point sur les connaissances que nous pouvons avoir de lui. Originaire de Ligurie, fils d’affranchi, il eut une carrière riche qui le mena de l’enseignement (grammaticus) à l’armée où il eut de brillants états de service qui le firent rejoindre d’abord la classe équestre avant d’entrer au sénat sous le règne de Marc Aurèle. C’est dans la deuxième partie du règne de l’empereur philosophe que Pertinax obtint le consulat suffect après ses succès sur les fronts germaniques et danubiens avant de passer en Syrie à la fin du règne de ce dernier. En disgrâce au début du règne du fils de Marc Aurèle, il reprit du service en Bretagne après l’éviction de Perennis en 185. Revenu à Rome, il fut finalement nommé préfet de la Ville à la fin du règne de Commode, position qu’il occupait lors de l’assassinat de ce dernier dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier 193. Il avait revêtu son deuxième consulat en 192 avec Commode. Proclamé Auguste le 1er janvier, par les prétoriens et confirmé par le sénat, le fils d’un affranchi devenait empereur pour un règne de quatre-vingt-sept jours. L’auteur aborde non seulement la prise de pouvoir, mais aussi ses soutiens, les oppositions qu’il rencontra rapidement, son action politique et économique et son rôle en relation avec les provinces avant d’aborder la phase finale de son règne avec son assassinat. Il marque le début d’une série de successions et d’usurpations d’empereurs et d’une période d’instabilité politique, période marquée par la guerre civile qui ne devait prendre fin que quatre ans plus tard avec l’éviction de Clodius Albinus, dernier compétiteur malheureux de Septime Sévère. Ce dernier, en arrivant à Rome, avait prit soin, une fois confirmé par le sénat, d’inclure dans sa titulature le nom de l’empereur défunt et de faire divisniser son prédécesseur, Pertinax.
Le deuxième chapitre, le plus important de l’ouvrage, est consacré à l’atelier de Rome (p. 37-247). Il débute par le très imposant catalogue (p. 37-154) qui retient deux émissions pour l’atelier. Pendant la première, très courte (p. 37-47), ne sont frappés que des deniers (p. 39-45, n° 1 à 52) et des setsterces (p. 45-47, n° 48 à 51). La seconde émission, de loin la plus importante (p. 47-154), comprend les aurei (p, 47 à 64, n° 52 à 176), les deniers (p. 64 à 129, n° 177 à 727), les sesterces (p. 130-145, n° 728-804), les dupondii (p. 145-149, n° 805-818,) les as (p. 149-154, n° 819-837) et un medaillon (p. 154, n° 838). Ce catalogue est un gigantesque travail de recension tant au niveau de la masse documentaire retenue que du travail de mise en perspective de la production monétaire s’articulant autour de 838 combinaisons pour l’ensemble du monnayage de l’atelier de Rome avec le recours à 296 coins de droit et 444 coins de revers. Cette partie qui peut sembler la plus austère de l’ouvrage, rend plus utile l’analyse que l’auteur est amené à traiter ensuite (p. 155-247) en débutant par l’atelier de Rome sous Pertinax (p. 155-161) elle est suivie parune étude des repésentations et l’idéologie : l’étude des droits et des revers (p. 163-194) avec une intéressante comparaison entre les portraits des monnaies et la statuaire (p. 163-173) l’auteur se penche ensuite sur l’étude des revers (p. 175-194) avec une attention particulière pour de nouveaux types comme Mens (MENTI LAVDANDAE) ou Janus (IANO CONSERVAT) qui font une apparition unique dans le cadre de la première émission, consacrés à deux représentations de la Rome archaïque (p. 175-177). Nous trouvons aussi une rare représentation de la déesse Cybèle associée au sesterce. Le revers au caducée ailé a déjà été utilisé sous les Flaviens et les Antonins, mais il est lié à la légende SAECVLUM FRUGIFERO. Le revers de la seconde émission réserve aussi des surprises avec l’apparition d’Ops, encore une divinité de la Rome la plus antique associée à l’empereur sacrifiant ou à un nouveau type de Providentia priant en direction d’une étoile. Les autres revers sont plus traditionnels, dédiés à la représentation de Laetitia (LAETITIA TEMPORVM) ou de l’Équité et de Rome, complétée par la Liberalitas. Ce revers couplé au donativum coûta peut-être la vie de l’Empereur pour son règlement différé auprès des prétoriens, avec pour conséquence que l’Empire fut vendu à l’encan ensuite avant d’échoir à Dide Julien. Une partie très importante est réservée au fonctionnement de l’atelier avec la stemma des liaisons de coins (p. 195-211). Les tableaux sont parfois complexes mais montrent bien la rareté absolue de la première émission et confirment l’abondance de la seconde avec de multiples liaisons tant pour l’or (p. 198, fig., 62) que pour les deniers (p. 199-203, fig. 63-67) alors qu’elles sont moins nombreuses pour les émissions de bronze (p. 204, fig. 68), les dupondii et les asses (p. 205, fig. 69). Nous trouvons ensuite des tableaux pour le nombre estimé de coins de droit et de revers pour les deniers (p . 207-208). Nous en avons un autre pour la répartition du travail entre les six officines de l’atelier de Rome (p. 209). Quant à moi, je pencherais plus pour une répartition des officines par type de revers plutôt que par métal. Un dernier point est abordé concernant les axes des coins des monnaies. Il porte sur un échantillon de 2 128 monnaies avec 848 pièces autour de 6 heures et 807 autour de 12 heures et 467 pièces dont l’axe des coins est inconu, ce qui nous laisse 4 monnaies avec un axe à 2 heures et 2 avec un axe des coins à 10 heures. La dernière partie du chapitre consacré à l’atelier de Rome porte sur l’étude métrologique et le volume des émissions. Pour chacune des deux émissions du règne de Pertinax, nous avons une étude métrologique précise, plus parcellaire pour la première émission très courte, très documentée, pour la seconde émission, avec à chaque fois les différents intervenants statistiques mis à notre disposition (p. 213-233). De la même manière, l’auteur appréhende dans un second temps une vaste enquête sur le volume des émissions à partir des formules de Carter et d’Esty pour chacune des deux émissions et des dénominations monétaires (p. 234-244). Il dresse un tableau approximatif du nombre total de monnaies frappées et l’estimation totale de la masse monnayée (p. 244) et termine enfin par un tableau des taux de survie, l’estimation des monnaies produites et le nombre des monnaies conservées (p. 245). Le résultat final de ces calculs (p. 246-247) semble confirmer les assertions des sources antiques, à savoir que Pertinax, malgré ses promesses faites aux prétoriens (donativum) et au peuple (congiaire), ne put ou n’eut pas le temps nécessaire pour honorer ses promesses faites au moment de son élection, ce qui précipita peut-être sa chute et sa mort.
Le troisième chapitre est consacré à l’atelier d’Alexandrie (p. 249-310). L’atelier égyptien depuis la conquête d’Auguste en 30 avant J.-C. frappait presque exclusivement un monnayage de langue grecque, hormis quelques périodes de crise, par exemple sous Vespasien avec l’apparition d’un monnayage calqué sur le système monétaire romain. C’est le cas pour le très court règne de Pertinax. Le monnayage de l’atelier d’Alexandrie présente une autre spécificité avec la présence sur le monnayage de l’atelier, de Titiane, épouse de l’Empereur et de Pertinax fils, qualifié de César sur le monnayage alors qu’il ne semble pas avoir été elévé au césarat. Le catalogue de l’atelier, outre des tétradrachmes, comprend des dioboles, et peut-être des hémidrachmes (p. 251-258). Nous avons au total 23 combinaisons avec 13 coins de droit et 21 coins de revers, pour un total de 35 exemplaires, toutes dénominations confondues. Mais l’aspect le plus novateur pour l’atelier est l’émission de deniers avec 99 combinaisons, 30 coins de droit et 87 coins de revers pour 251 exemplaires (p. 258-272). Ensuite l’auteur, de la même manière que pour l’atelier de Rome, fait une présentation de l’atelier (p. 273) avec un topic particulier sur les deniers (p. 274-276) avant de se livrer à une étude des types et des légendes (p. 276-298). Il débute par les droits des monnaies à légende grecque (p. 276-277) puis se penche sur une étude iconographique des bustes des monnaies pour Pertinax, Titiane et Pertinax Junior avant de confronter les bustes monétaires avec deux bustes conservés, l’un à Rome (Museo Capitolino) l’autre au musée Saint-Raymond de Toulouse, provenant de Chiragan (p. 277-284). Il s’attache ensuite à étudier les revers à légende grecque avec les représentations traditionnelles et quelques revers moins courants comme le navire ou le serpent (Agothodémon) sans oublier les revers familiaux associant femme et enfant (p. 284-296). Il termine cet excursus sur les deux types de revers de deniers de l’atelier d’Alexandrie : Providentia et Ops (p. 296-298). Comme précédemment, il s’attaque ensuite à l’étude métrologique des espèces en séparant les deux entités grecques et latines (p. 298-300). Un récapitulatif permet de mettre l’accent sur l’émission des deniers (p, 301-303) et les raisons de leur émission. Cette troisième partie se clôt (p.304-310) sur le volume des émissions, (p. 304)-306), le fonctionnement interne de l’atelier avec les tableaux de liaisons de coins pour les monnaies à légende grecque (p. 307, fig. 111) et les deniers (p. 308, fig. 112) et enfin les axes des coins (p. 309-310).
Les deux derniers chapitres (IV et V) de l’ouvrage sont beaucoup plus courts et concernent les deux autres ateliers provinciaux ayant monnayé pour Pertinax, à savoir Tomis (p. 311-336) et Prusa ad Olympum (p. 337-359). Le catalogue pour l’atelier de Mésie-Inférieure (p. 313-315) comprend 9 entrées pour Pertinax avec un unique coin de droit et neuf coins de revers pour trois types de revers et un total de 45 exemplaires. L’étude sur l’atelier de Tomis est comprise entre les pages 317 et 336. Pour l’atelier de Prusa ad Olympum, le catalogue (p. 339-342) est constitué de 18 combinaisons avec 4 coins de droit et 18 coins de revers pour un total de 21 exemplaires. L’étude sur l’atelier bithynien se trouve aux pages 343-359 et reprend la même présentation que pour le chapitre précédent. Une conclusion générale (p. 361-364) fait la synthèse des cinq chapitres.
Cette conclusion est suivie par sept annexes (p. 367-398). La première est consacrée au quinaire d’or au type LAETITIA TEMPORVM qui na pas été retenu dans le corpus de l’auteur qui semble douter de l’authenticité de cet unique exemplaire, vendu dans les années 80, et provenant de la collection Biaggi (p. 367-368). L’annexe 2 a pour objet l denier au type LIBERTAS CIVIBVS, pour l’auteur, n’existe pas (regravure de coin) et n’a pas sa place dans le corpus. La troisième annexe contient les pièces (aurei et deniers) présentes dans le Roman Imperial Coinage (RIC. IV. 1) et qui ne sont pas retenues comme valides par l’auteur (p. 371). L’annexe 4, dans le même ordre d’idée, dresse la liste des sesterces recensés dans le même ouvrage (RIC. IV. 1) et non retenus dans l’étude d (p. 373-376). Les annexes 5 (p. 377-379) et 6 (p. 381-383) procèdent de la même manière pour les dupondii et les asses. Enfin la septième et dernière annexe est le catalogue des monnaies de consécration frappées par Septime Sévère au nom du Divus Pertinax (p. 385-398) qui, catalogue, composé d’un aureus, des deniers, des sesterces et de médaillons (p. 385-390), comprend 25 combinaisons avec 10 coins de droit et 17 coins de revers dont une paire de coin unique pour l’aureus, 6 coins de droit et 10 coins de revers pour les deniers pour 71 exemplaires, 2 coins de droit et 5 coins de revers pour deux types pour 15 exemplaires de sesterces, un as unique et, pour finir, une unique combinaison avec une paire de coins pour les médaillons avec 3 exemplaires connus. Pour la dernière fois, l’auteur, dans les mêmes conditions que précédemment, se livre à une étude sur ce monnayage de consécration (p. 391-398) qui semble avoir été plus une opération de communication qu’une importante émission de prestige ou de donativum visant à restituer la mémoire de l’Empereur assassiné dont Septime Sévère revendiquait l’héritage.
Suivent les planches (p. 399-495) numérotées de 1 à 96 qui reprennent l’ordre du catalogue avec une abondance de matériel photographié, souvent de très bonne qualité qui permet un travail de vérification des coins. La première émission de Rome occupe les planches 1 à 4, la seconde émission de l’atelier de l’Urbs occupe les planches 5 à 74 avec pour les aurei les planches 5 à 14, 15 à 51 pour les deniers, 52 à 66 pour les sesterces, 67 à 69 pour les dupondii, 70 à 73 pour les asses et 74 pour l’unique médaillon. Le monnayage à légende grecque d’Alexandrie occupe les planches 75 à 77, les deniers d’Alexandrie trouvant leur place entre les planches 78 à 84. Le monnayage de Tomis se trouve sur les planches 85 à 87 et celles des monnaies de Prusa ad Olympum aux planches 88-89. Sur les planches 90 et 91, nous avons les monnaies concernées par les six premières annexes tandis que les planches 92 à 96 illustrent le monnayage de consécration du divin Pertinax. Nous précisons que le nombre de planches est très important, avec un total de 70 deniers et 8 sesterces photographiés pour la première émission, 254 aurei, 990 deniers, 158 sesterces, 40 dupondii, 60 asses et 1 médaillon pour la seconde émission de Rome, 36 monnaies à légende grecque et 193 deniers pour l’atelier d’Alexandrie, 45 monnaies pour l’atelier de Tomis et 23 pour celui de Prusa ad Olympumavec 19 pièces pour six annexes. Enfin, 1 aureus, 58 deniers, 15 sesterces, 1 as et 3 médaillons pour les monnaies de Pertinax divinisé sont illustrés, soit un total de 1 956 monnaies !
La fin de l’ouvrage contient la liste des figures (p. 497-499 au nombre de 137) suivie de la liste des planches (p. 500), d’une bibliographie (p. 501-522), d’un index (p. 523-530), de la liste des crédits photographiques des collections publiques et des sites professionnels de vente (p. 531-533) et enfin d’une table des matières détaillée et très utile (p. 535-537) pour un ouvrage de cette taille.
Vous l’aurez compris, j’ai apprécié ces Recherches numismatiques sur l’empereur Pertinax. Je ne puis que vous conseiller l’acquisition de cet ouvrage, d’une très grande qualité intellectuelle associée à une qualité éditoriale et à une impression très professionnelle qui se trouve rarement à ce prix. Vous savez donc ce qui vous reste à faire.
Laurent Schmitt - Bulletin Numismatique n°206 - Mars 2021.